Cher (chère) toi que j’espère bien, salut !
En visionnant récemment un reportage diffusé à la télé, que m’avait suggéré un téléspectateur de La Victoire de l’Amour et ami, un rêve a germé en moi.
Le reportage présentait Nicolas Ellis, chef d’orchestre, collaborateur artistique de l’Orchestre Métropolitain et fondateur de l’Orchestre de l’Agora, un orchestre social qui veut positionner le musicien d’aujourd’hui comme un acteur de changement social au sein de sa communauté. En l’écoutant et en regardant les images défiler à l’écran, l’idée m’est venue de lui demander s’il croyait comme moi que la musique classique pouvait être un outil de réhabilitation sociale pour les personnes incarcérées à l’établissement de détention où je travaille.
Nicolas a accepté sans hésitation cette idée que je lui proposais et avec l’aide de Jean-Frédéric Caron, directeur général de l’Orchestre, nous planifions des concerts mensuels interactifs dans la chapelle de la prison, que je nomme concerts-ateliers.
Convaincu de l’importance de l’estime de soi dans la réhabilitation sociale et de l’impact favorable de l’art sur les émotions et la vie intérieure en général, j’espère créer par cette collaboration quelque peu ambitieuse de nouveaux espaces spirituels.
Depuis Platon, les transcendantaux, le Vrai, le Bien et le Beau, sont à la fois attributs divins et vecteurs d’humanisation. Avec le Beau, c’est tout un message qui est livré : quand on offre quelque chose de beau à quelqu’un, non seulement ça fait plaisir, mais ça confère de la dignité et on sait que dignité et estime de soi vont de pair. Ça dit : « Tu es important(e) », « Tu as de la valeur », « Je t’aime ».
Interactifs, les concerts-ateliers se voudront lieux d’échanges permettant aux musiciens de parler de leurs instruments, d’élaborer sur les pièces interprétées et leurs compositeurs et aux personnes incarcérées de partager librement les souvenirs, images, idées et émotions que la musique a pu éveiller en elles… Car je crois que la musique permet l’union de la sensibilité et de l’intelligence et que les notes font se mouvoir les cordes de notre âme et monter en nous un dire qu’il nous faut écouter.
Dans le but de vivre une première expérience et afin de mieux évaluer et organiser les ateliers qui débuteront en septembre prochain, un premier concert a été réalisé en juin dernier auquel participaient un violoncelliste, une mezzo-soprano et un pianiste. Quelle soirée ce fut ! Les détenus rassemblés dans la chapelle ont tous été touchés, reconnaissants du « cadeau » qui leur était offert. De la beauté… de la simplicité… du vrai… des émotions… des pleurs et plusieurs sourires !
En partageant avec toi ce rêve et ce projet, je voudrais en ce mois d’août non seulement te souhaiter de la beauté, mais t’inviter à t’offrir de la beauté. Et, je t’en prie, n’aie pas peur de te gâter !
La beauté on peut la voir, l’entendre et la dire au moyen d’une musique, d’un chant, d’un texte, etc. on peut l’imaginer, la peindre ; on peut aussi la découvrir, y être sensible, s’exclamer devant elle, la contempler, la créer…
Oui, choie-toi par quelque forme de la beauté que ce soit, car tu en as besoin et tu la mérites.
Je crois en la présence réelle et totale de Dieu en chacun de nous, « Dieu-Bien-Beau-Vrai », et que la beauté se trouve ainsi en chacun de nous ; que tout comme il nous faut découvrir et nourrir cette présence de Dieu en nous, il nous faut aussi découvrir et nourrir la beauté en nous.
D’une telle communion à l’Être dépend ta dignité, notre dignité, et la santé spirituelle (intérieure) du monde.
La philosophe française Simone Weil écrivait : « Dans tout ce qui suscite en nous le sentiment pur et authentique de la beauté, il y a réellement la présence de Dieu. Il y a presque une incarnation de Dieu dans le monde, dont la beauté est le signe » et Benoît XVI, qui s’adressant aux artistes citait ce passage de Simone Weil, ajoutait : « La beauté — de celle qui se manifeste dans l’univers et dans la nature à celle qui s’exprime à travers les créations artistiques — peut devenir une voie vers le Transcendant, vers le Mystère ultime, vers Dieu, précisément en raison de sa capacité essentielle à ouvrir et élargir les horizons de la conscience humaine, à la renvoyer au-delà d’elle-même, à se pencher sur l’abîme de l’Infini ».
Puisse Dieu nous bénir et toujours nous offrir la beauté !
T’assurant de ma prière et comptant sur la tienne, je te prie de recevoir mes plus cordiales salutations.
Stéphane Roy
Aumônier