Bonjour à toutes et tous,
Capable d'écouter?
Quelle est votre capacité d'écoute? Quelle est votre force d'attention? Est-ce que je suis quelqu'un qui ne porte attention que lorsque le ton monte, pour ne pas dire que lorsqu'il y a des explosions? Explosions physiques, visuelles, musicales ou verbales dans les médias ou dans la vie courante. Est-ce que j'ai besoin que mes sens soient surexcités pour être à l'écoute, pour lever la tête?
La question de la force d'attention, de la capacité d'écoute touche profondément la question de l'amour. Est-ce que je peux entendre le silence de l'être aimé? Est-ce que je peux voir les gestes discrets? Est-ce qu'il faut que l'autre éclate de colère ou de tristesse pour que j'entende son message?
Si je n'entends que les messages émis avec force, il y a des choses que je n'entendrai jamais. Il y a des paroles que l'on ne dit qu'à voix basse, il y a des paroles qu'on ne peut dire : elles ne seront entendues que si l'on a appris à écouter.
Comment apprendre à écouter? Dans le couple, dans la famille, dans la vie, comment développer la capacité d'attention à l’autre?
Vouloir entendre
La première règle s'impose d'elle-même : pour écouter il faut vouloir entendre. Est-ce que je veux entendre ce que l'autre a à me dire? Le désir d'entendre l'autre crée une ouverture et suscite une attention à l'autre qui est à la fois réceptivité et recherche des signes par lesquels l'autre communique. Qu'on pense à la mère qui comprend ce que son enfant nouveau-né lui dit, aux couples de longue date qui se comprennent avant de se parler.
Si je veux entendre l'autre, cela doit être en premier sur ma liste de priorités car les obstacles à l’écoute sont nombreux. Faire des efforts pour quitter mes activités pressantes et prendre le temps de rencontrer la personne que j'aime pour me mettre à son écoute. Persévérer à quitter les bruits extérieurs et intérieurs, les préoccupations légitimes, les attachements à mon imagination. Me dépasser pour être totalement présent à l'autre physiquement et spirituellement.
Cette qualité de présence à l'autre qui est disponibilité profonde et accueil aimant est appelée à grandir et peut grandir à travers l’apprentissage du silence.
Apprendre le silence
Le silence c'est se taire et taire en nous ce qui nous empêche d'entendre afin de pouvoir être totalement présent à l'autre. Le silence c'est désirer la rencontre avec quelqu'un, c'est désirer l'accueillir, c'est désirer l'écouter. Le silence s'accomplit dans l'écoute du silence de l'autre où il devient accueil de sa totalité corps et âme, et capacité d'entendre son existence qui jaillit et son cœur qui bat.
Apprendre le silence c'est apprendre une qualité de présence et une réceptivité qui permettent d'entendre le dit et le non-dit. Apprendre le silence c'est apprendre à écouter avec amour et ainsi rendre possible pour l'autre de s'exprimer dans la confiance. Apprendre le silence c'est dire à l'autre l'intérêt que nous lui portons. Apprendre le silence c’est apprendre à écouter de tout son être.
Mon silence est toujours fragile, mais Dieu a le pouvoir de me conduire sur le chemin du silence.
Dieu parle tout bas
En effet, Dieu parle tout bas et on ne peut l'entendre si on n’apprend pas à se taire. Jésus qui est la Parole du Père éternel, s'adresse à nous sobrement. Il ne naît pas dans un château mais dans le dépouillement. Lui qui est le Sauveur, le Messie, le Seigneur, se rend présent en tant que nouveau-né couché dans une mangeoire qui sert à nourrir les animaux. En le voyant extérieurement rien ne permet de dire qu'Il est "Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix". Pour que Marie et Joseph, pour que les bergers et les mages, voient en cet enfant le Messie il faut qu'ils aient au fond de leur cœur une qualité de silence qui leur fait voir au-delà des apparences.
Est-ce que je veux entendre Dieu qui me parle? Est-ce que je veux entendre Jésus-Christ qui est la Parole du Père, le Verbe fait chair? Dieu ne criera pas pour se faire entendre. Dieu ne haussera pas le ton au-dessus des bruits de la vie moderne. Dieu ne parlera pas plus fort que mes préoccupations et que mes distractions. Dieu ne s'impose pas, il se propose à ma liberté. C'est pourquoi il parle souvent sans éclat.
Si Dieu parlait en faisant voir et sentir son amour infini et sa toute-puissance de façon grandiose, on verrait clairement qu'Il est l'Amour pour lequel nous sommes faits, qu'Il est notre véritable bonheur et on serait ainsi comme obligé de le choisir.
Mais en s'adressant à nous sobrement, pour ne pas dire pauvrement, en se présentant comme un bien à côté d'autres biens et même comme le bien qui parle le moins fort, il s'adresse à notre liberté. Est-ce que je veux choisir d'entendre Dieu qui me parle en Jésus? Est-ce que je veux assez l'entendre pour être disposé à apprendre à faire silence?
C'est le silence du cœur, de l'esprit et de l'âme qui permet une perception en profondeur de la réalité, qui permet de voir Dieu à travers ses œuvres, de voir en Jésus-Christ le Sauveur divin. C'est le silence qui permet d'entendre résonner à l'intérieur la Parole qui nous parvient de l'extérieur.
Grâce à Jésus-Christ
Si par la prière j'apprends à m'ouvrir à Jésus Christ, à être présent à sa présence, je recevrai de lui la grâce de mieux écouter les autres. Jésus est venu dans le monde par une famille, il nous a enseigné que nous sommes tous frères et sœurs, il nous appelle à aimer notre prochain, à nous écouter les uns les autres.
Se mettre à l'écoute de Jésus-Christ c'est entendre son appel à mettre en premier l'amour en faisant de l'écoute de l'être aimé une priorité pour laquelle on est prêt à quitter activités extérieures et intérieures.
Apprendre le silence dans la prière c'est apprendre à conjuguer ensemble silence et amour, silence et présence, silence et écoute, silence et attention à l'autre. Apprendre le silence c'est affirmer son amour car c'est dire l'importance que l'on accorde à l'autre dans notre vie.
Si l'on apprend à écouter le silence de Dieu, on pourra avec sa grâce entendre le silence de l’autre, dans le couple, dans la famille, dans la société. Si on apprend le recueillement intérieur on pourra accueillir l’autre. Le silence est présence aimante à Dieu et à l’autre.
Chères lectrices et chers lecteurs, que Dieu riche en Silence et en Patience, vous attire sans cesse à Lui, qu’en la nuit de Noël Il vous baigne dans la Lumière de sa Parole et la fasse rayonner à travers votre douceur et votre écoute, qu’Il vous bénisse + au nom du Père + et du Fils + et du Saint Esprit.
JOYEUX NOËL !
+Christian Lépine
archevêque du diocèse de Montréal