Cher toi, chère toi,
Au moment de t’écrire cette lettre, je me rends compte que c’est la première fois que j’ai l’occasion d’écrire une lettre de novembre. En réfléchissant un peu en mon cœur à ce sur quoi doit porter ma lettre, une idée m’est venue : pourquoi ne pas témoigner de ma foi eschatologique ?
L’eschatologie, du grec ancien éskhatos qui veut dire « dernier », et lógos, qui veut dire « parole » et « étude », est le discours sur les fins dernières de l’homme et du monde. Ainsi, pour les religions monothéistes, la foi eschatologique concerne la destinée éternelle de l’être humain et la fin du monde.
Pour ma part, je dois dire que ma foi étant quelque chose de vivant et de relationnel, elle a changé au fil du temps en se laissant enrichir et purifier par les évènements et mon expérience de Dieu ; non pas un Dieu que l’on prouve, mais que l’on éprouve.
Ainsi, ma foi eschatologique est passée d’un discours appris dans les livres et de la bouche de maîtres, à une connaissance personnelle et acquise qui, je l’espère, n’est pas terminée, mais appelée à s’approfondir encore et toujours.
À l’heure actuelle, je te dirais que ma foi eschatologique repose sur Dieu qui est Amour ; un Amour éternel, infini et immuable. De ces trois attributs, le dernier est sans doute le plus surprenant, car l’immuabilité est le caractère de ce qui est inaltérable, indéfectible, indélébile, indestructible, indissoluble, ineffaçable, perpétuel et constant — donc sans changement.
De ce fait, l’amour de Dieu pour moi ne peut ni fluctuer ni changer à cause de mes vertus ou de mes manquements. Que je sois saint ou pécheur, Dieu m’aime du même amour éternel et infini.
Plus que ça : je considère cet amour comme tellement extraordinaire et inimaginable qu’il ne peut se mériter ou s’acheter, car s’il fallait en être digne pour l’avoir, ce serait à y renoncer.
J’accueille donc cet amour et tout ce qu’il peut et veut me donner ; à son tour, il me donnera de l’accueillir comme il se doit. Marie, la mère de Jésus, avec toute sa grâce d’immaculée, m’en est témoin, car elle ne peut être aimée plus que moi, étant elle aussi bénéficiaire de ce même amour, éternel, infini et immuable. La différence réside dans la mission dans le temps, mais la même couronne nous est destinée : le même bonheur nous est promis, le don je te le répète, de cet amour qui ne peut être autrement.
De tout ça, permets-moi une conclusion sur la vie, car lorsqu’on pense aux fins dernières, ces réflexions colorent la vie. Ainsi, pour tous ceux et celles qui croient devoir mériter le paradis, le sens de la vie consiste à atteindre l’objet de leur espérance. Et cela peut aller très loin, voire jusqu’au sacrifice de la vie présente pour la vie future.
Il n’en est plus comme cela pour moi : je ne veux plus vivre dans la perspective d’atteindre un but, mais plutôt en profitant du voyage et de la route qu’il m’est donné de parcourir, en m’émerveillant, en apprenant, en me bonifiant et en rendant grâce chemin faisant. Cela confère tellement plus de légèreté à ma démarche en me donnant un goût de la vie renouvelée. Aussi, au lieu de considérer les personnes et les évènements comme des moyens pour atteindre un but, aujourd’hui, avec encore plus de franchise, je les considère comme des fins en soi à aimer et à vivre.
En ce mois de novembre, je crois que peu importe ce qu’a été la vie de chacun et de chacune de nous, l’Amour éternel, infini et immuable qu’est Dieu, nous accorde d’accueillir son don que l’on appelle le paradis. Cela nous permet à tous et à toutes de jouir de la Vie avec un grand V et de nous dire les uns aux autres : s’il en est ainsi pour moi c’est grâce à l’Amour qui m’a aimé le premier.
« Il n’y a pas de crainte dans l’amour, l’amour parfait bannit la crainte ;
car la crainte implique un châtiment,
et celui qui reste dans la crainte
n’a pas atteint la perfection de l’amour. »
1 Jn 4, 18
Dans cette foi, je demande au Seigneur
de te bénir.
Bon mois de novembre.
Stéphane Roy
Aumônier à la Prison de Bordeaux